La Société de Linguistique de Paris (S.L.P.) apparaît vers 1863. Elle est à cette époque un cercle de discussion où se retrouvent quelques américanistes issus de la Société d’Ethnographie Orientale et Américaine et qui s’en sont séparés pour des différends personnels. Leur intention est de créer, face à la Société d’Anthropologie de Paris fondée par Broca en 1859 et inspirée par les travaux d’inspiration matérialiste de Chavée, une association concurrente, proche des cercles monarchistes et catholiques, qui prendrait argument de l’étude des langues pour illustrer ses opinions.
Deux historiques ont été présentés devant la S.L.P.:
En 1866, sollicité par les fondateurs et avec l’encouragement de V. Duruy, Émile Egger, auteur des Notions élémentaires de grammaire comparée pour servir à l’étude des langues classiques (1854), prend la présidence de la SLP. Membre de l’Institut, professeur de littérature grecque à la Sorbonne, Egger fait entrer avec lui quelques philologues acquis aux idées nouvelles (Renan, Littré…) et surtout les jeunes comparatistes (Michel Bréal, Gaston Paris).
Bio-bibliographie de Michel Bréal
Le ministre de l’Instruction Publique, Victor Duruy, qui prépare la création de l’École Pratique des Hautes Études (dont la IVe section est consacrée aux « Sciences Historiques et Philologiques ») voit dans la S.L.P. une préfiguration scientifique de son projet et encourage une organisation plus formelle, négociant avec les nouveaux dirigeants le dépôt de statuts.
« La Société n’admet aucune communication concernant, soit l’origine du langage, soit la création d’une langue universelle. »
À la fin de la Première Guerre mondiale, Meillet prend en charge l’organisation de l’ensemble de la recherche. Il remplace les Mémoires par la publication, dans le B.S.L., des actes de la Société, des articles scientifiques et des comptes rendus d’ouvrages, complétant par une collection de la S.L.P. le rôle éditorial de l’association. Durant l’entre deux guerres, les linguistes français, s’éloignant de la grammaire historique, poursuivent un travail d’accumulation des données et des descriptions (africanistique, développement de l’orientalisme…) qui se développe en parallèle aux propositions nouvelles de la géolinguistique et du structuralisme. La disparition de Meillet (1936) et la Deuxième Guerre Mondiale perturbent l’activité de la S.L.P. qui suspend ses activités de 1940 à 1944.
Depuis 1945, la S.L.P. a poursuivi son travail, en essayant de concilier la tradition comparatiste et le paradigme structuraliste, une synthèse que les secrétaires successifs, à commencer par É. Benveniste, incarnent parfaitement. En même temps que les sciences du langage se développaient dans l’Université, notamment depuis la série de réformes des années 1960, les nouvelles approches, d’abord représentées par A. Martinet, et les nouveaux terrains ont fait de la S.L.P. la plus internationale des associations de langue française consacrée aux sciences du langage, comme elle en a donné le témoignage avec l’organisation du Congrès International des Linguistes à Paris en 1997.
Gabriel Bergounioux (1997, BSL 92/1)
Le Tome 100/1, paru en 2005, revient sur l’histoire et les spécificités scientifiques du Bulletin, et dans une moindre mesure de la Société elle-même.